Un homme dans la voiture 13 : "A chaque fois que je prends le train, j'ai l'impression qu'on a copié-collé le paysage. Des campagnes, assez mornes pour que le regard glisse dessus et n'en retienne rien. Si bien qu'elles peuvent se répéter identiques pendant des heures sans que l'on ne remarque la récurrence des éléments qui les composent. Si on y prête un peu attention, saisissant un détail à la très grande vitesse de notre passage, on y verra des items revenir régulièrement : un jardin derrière une maison, avec une balançoire en plastique vert, ou une piscine gonflable bleue. Généralement, ces paysages sont vides d'habitants. On y dispose parfois une voiture un peu crottée qui fait semblant de suivre un bref instant le train qui nous emporte. On distingue à peine le conducteur, vite caché par un talus ou remblais qui soudain vient s'interposer entre la route et les rails, grandissant à vue d'œil, recouvrant le paysage de stries horizontales fluctuantes et marronnasses, avant de décliner à nouveau, de se rapprocher du sol et de découvrir à peu de chose près le même horizon que précédemment. D'horizon, d'ailleurs, on en voit peu. En général, une colline point trop lointaine interdit au regard toute prospection vers d'insoupçonnées profondeurs. Le point de vue est limité, tant par le temps qu'il nous est donné de l'avoir, que par ce qui le compose. Le paresseux démiurge qui a peint ce tableau en boucle semble ne jamais douter de notre crédulité, s'en amuser même, en répétant sempiternellement la même teinte verdâtre, quelle que soit la saison à peu de choses près, et dans n'importe quelle direction vers laquelle nous emporte le train, que ce soit nord, sud , est ou ouest. A peine consent-il à rajouter un peu d'ocre ici, un peu de blanc là, pour faire bonne mesure. Mais on le sent surtout soucieux de nous faire détourner le regard de ce paysage ennuyeux, et de retourner dans notre DVD Walt Disney loué par la SNCF, bien plus riche en couleurs et en émotions"
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