Après la récente
réédition de ses œuvres, le grand A de la chanson française, chantée autrement
depuis la césure La Fossette en 1991,
fait encore peau neuve, avec Vers les
lueurs, album à la fois électrique et aérien, évident et éclatant. (3 Couleurs #100/Avril 2012)
Je me souviens de Dominique A disant un jour : « Je ne porte que du noir, car, ne sachant
quelle couleur choisir, je préfère n’en porter aucune. ». Belle surprise
donc, de l’entendre les réunir toutes (les couleurs) dans la blanche clarté de
ce nouvel album, et de le voir, portant beau le bleu électrique, le visage
glabre et frais, les mains mouvantes harmonieusement pour expliquer ces
nouvelles épiphanies musicales, apaisé : « La
lumière est toujours en rapport avec l’obscurité. Elle existe d’autant plus que
tout autour, c’est sinistré. Vers les lueurs parle de ça. ». Mariant remuée électricité et trouées acoustiques (un quintette à vent
ouvrant les vannes interprétatives), ce neuvième album est plus clair qu’obscur,
une vraie percée. «Quand les vents sont
arrivés après dix jours de répétitions, que les arrangements acoustiques et électriques
se sont vraiment assemblés, le résultat dépassait toutes mes espérances. J’étais
gonflé à bloc, je clamais sur tous les toits que j’allais faire un disque
exceptionnel. »
De fait, Vers les
lueurs, l’est, exceptionnel. Autant comme l’acmé d’une discographie qui a
souvent louvoyé entre dureté (Remué)
et vulnérabilité (Auguri), que dans
l’engagement, la confiance qui irradient une interprétation aussi tenue que les
mots sont chargés : «Quand on n’est
pas dans un rapport de confiance, le doute passe par la voix. C’est le problème
de Tout sera comme avant, qui avait
une ambition similaire. Au-delà des arrangements, il n’était pas tenu par son
interprète. La voix est le filtre de tout, elle transmet tout. ». Ici le
chant projette et éclaire «des moments
spirituels, ou des moments d’abandon, de joie, des moments simples où les
choses font sens, des moments qui justifient l’existence, avant d’arriver à « la
rue que rien n’éclaire. ».». De microfictions intimistes (Vers le bleu) en vastes chansons
d’époques (La possession, Le convoi), Dominique A chante
le désenchantement sur Rendez-nous la
lumière, « une chanson d’exaspération un peu pompière » assumée sans faux
semblant, ou la fuite dans les bois de Contre
un arbre, claire-obscure : « Je
ne parle pas d’un retour à la nature où l’on se débarrasserait de ses
problèmes. La nature peut être un réceptacle à angoisses autant qu’un espace de
ressources. La chanson Close West
exprime aussi cette impression de familiarité avec un lieu, et en même temps
d’étrangeté, d’inquiétude. » La
franche lumière mariée à l’inquiétante étrangeté, c’est le yin et le yang d’un
album quasi parfait, par un auteur accompli.
Dominique A - Vers les lueurs (Cinq7/Wagram)
Article paru (légèrement édité) dans 3 Couleurs #100, dispo en PDF ici : http://www.mk2.com/trois-couleurs
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