"Aujourd’hui, la doxa dominante, c’est la parole libérée. Avec la libération de la sexualité, les choses sont en train de virer à la grande partouze, et c’est un peu pareil avec les opinions. Tu parles de Kant à un mec dans une discussion, il te dira : « Ah bah moi je ne suis pas d’accord. » Mais Kant, il a peut-être pensé un peu avant d’écrire tout ça, non ?"
Mon interview de Jackie Berroyer est en ligne ici : http://www.troiscouleurs.fr/?p=8054
Quelques chutes (non publiées, faute de place) de l'interview :
Je parlais avec Blanc-Francard récemment, avant qu’il ne
quitte Le Mouv', et il me disait : « C’est marrant, mes enfants
trouvent dingue que je connaisse Mick Jagger ou des mecs comme ça. Alors que nous
on avait tous le même âge dans les années 60 et on a grandi en tant que
journalistes rock, en même temps que ces mecs. Pour nous c’était des mecs
comme nous. » Et puis on se revoit régulièrement pour les interviews,
c’est pratique. Un soir on se met à picoler ensemble et ça devient des copains.
Même si les mecs ont un énorme succès, lorsqu’on les recroise on leur dit juste
« Salut toi, qu’est-ce que tu deviens ? »
Je me souviens que Gébé disait « Oh t’es chiant, viens
pas nous casser le moral. » Parce que j’ai toujours été assez solitaire,
j’ai jamais vraiment été dans une « bande » parce que je ne pouvais
pas m’empêcher de dire : « Vous vous croyez les meilleurs, mais allez voir
dehors, il y a d’autres gens chouettes. » J’aime pas les gens qui
prétendent être libertaires, et puis au final, si tu n’es pas avec eux, tu es
contre eux. Gébé était plus fin que ça : il voulait juste dire
« Laisse-nous rigoler, on le sait tout ça, mais on a besoin de
rire. »
Chez Hara Kiri, à un moment,
j’avais pris l’habitude de travailler régulièrement, de recevoir un chèque
à la fin du mois, les gens me trouvaient intéressant. Et puis, un jour, j’ouvre le journal et je vois que mon texte
n’est pas dedans. Je vais voir Cavanna dans son antre, qui me dit : « Oui, je ne sais pas, c’est pas
comme d’habitude, tu as été moins bon, tu te laisses un peu aller. » Et ça
m’a obligé à être un peu plus exigeant avec moi-même, à ne pas m’installer dans
un petit confort d’écriture. Même si je les rends parfois en retard, depuis ça, je relis mes
articles, je corrige, je les rends un peu plus sobres. Je ne le fais
pas assez mais je le fais quand même.
J’ai peut-être parfois une démarche philosophique en
ce sens que quelque chose en moi entretient une sorte d’étonnement d’être au
monde. Les contingences ne m’ont pas vaincu totalement, je ne suis pas tout le
temps préoccupé par ma bagnole, mon divorce, au point qu’il n’y ait plus de
place pour se dire que c’est fou cette aventure de l’être, du vivant. « Pourquoi
y-a-il quelque chose plutôt que rien ? », comme disait Leibniz. La musique
peut créer une forme d’étonnement similaire. Ce que les musiciens sont capables
de produire, c’est très étonnant. Par exemple, Miles Davis est capable de la
plus grande violence et de la plus grande douceur. S’il donne une
couleur espagnole à sa musique, il ne fera jamais
d’ « espagnolades ».
Je déplore chez les critiques qu’ils soient comme nous,
comme le pékin moyen, à juste donner leur opinion sur les films qu’ils voient.
Il y en a quelques uns qui sont capables d’analyser la structure, les formes,
mais souvent c’est juste l’expression d’une opinion, parfois juste méchante.
Quand un producteur sur un plateau me dit : « Et si tu faisais ça plutôt ? », j’ai envie de lui répondre : « Hé, c’est moi l’humoriste ». C’est extrêmement prétentieux de dire ça, mais en même temps, que répondrait-il s si je lui disais « Pourquoi tu ne trouves pas de l’argent à la BNP » ?
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