« Le Saule est l’arbre le plus identifiable qui
soit, tout comme la chanson est la forme musicale la plus reconnaissable entre
toutes. De l’arbre inconsolable nous ne gardons qu’un petit bout de bois tendre
pour faire un sifflet comme le faisaient les enfants autrefois.». Ce
petit appeau fédérateur qu’évoque le musicien Jean-Daniel Botta pourrait bien être
une des clés du Saule, label et boisée oisellerie de chanteurs voyageurs, qui
glane un public grandissant dans les marges de la chanson d’ici. Car ce qui
réunit Léonore Boulanger, June & Jim, Borja Flames, Antoine Loyer, Philippe
Crab ou Aurélien Merle, c’est peut-être cette façon de ne prendre d’un grand
arbre (une chanson folk francophone et lettrée, d’Areski & Fontaine à Dick
Annegarn, ou plus près de nous, Arlt ou Bertrand Belin) que l’essentiel, ou peu
de mots, quitte à bégayer sa langue natale et à s’en inventer une propre,
mineure mais pas moins précieuse, dans celle commune, majeure, maternelle.
« Produire, c’est réduire » dit
Léonore Boulanger, qui sort cet été Feigen feigen, collection de
chansons joueuses et joyeuses, devinettes, énigmes, histoires à compléter ou à
colorier, où l’essentiel se cache parfois dans des silences mallarméens, ou des
bégaiements troublés. Dans bégayer, il y a égayer, et ces « exercices
de joie » sont aussi logiciens et merveilleux que les miniatures
précises et virtuoses de son alter-ego d’écriture, Jean-Daniel Botta (Dévotion
pour la petite chameau), ou que la traversée du miroir de Philippe Crab
dans Fructidor, mise abyme, sur tout un album, « d’un souvenir
très banal et très précieux, un mercredi après-midi entre adolescents, du côté
de Carnon-Plage, en juin 1994 ». Soit Marcel Proust, Virginia Woolf ou
Lewis Carroll épiphanisant Frank Zappa, Ornette Coleman et Robert Wyatt,
chantés en « idiolectes » aussi savants que débridés (mariant français,
allemand, anglais, espagnol, occitan). Car le Saule est babélien, et on citera
comme dernier fruit Jo Estava Que M'Abrasava, chants traditionnels de
Minorque et Majorque, collaboration entre Marion Cousin (June & Jim) et le
violoncelliste Gaspar Claus, en catalan tournoyant, ondes profondes, et sans
doute langue des oiseaux.
A lire également sur The Drone, cette interview de Philippe Crab
http://lesaule.fr/
http://souterraine.biz/album/fructidor-mostla-del-mashuke
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