samedi

Je tombe dans tous les pièges

 

Elle me dit : "C'est mon fils"
En me montrant son téléphone
Je lui réponds : "Il est beau"

Elle me sert dans ses bras
En disant : "Tu me manques"
Comme si je n'étais pas là.

Une fille dans le métro
Appelle son chien : "Ma puce"
Je trouve ça rigolo.

Je ne fume plus car "Fumer tue"
"Passez à l'arme blanche" :
C'est le slogan de Freedent.






mercredi

Chatelet- République, 12/06/2012



Je fais un voyage inoubliable, à un prix imbattable
et mes rêves prennent leur revanche
bienvenue parmi nous
les vacances c’est maintenant
les femmes prennent leur pied
et bye bye la fatigue.
la santé de vos yeux est respectée
et le monde fonce
léger comme l’air, dur comme l’acier
en ce moment pour vos enfants
elles prennent leur soulagement en main
l’entrée est à gauche
pour un engagement quotidien
c’est ça aussi l’esprit d’équipe
quand je serai petit
c’est dix fois mieux
passez les portes de l’éclipse
sans rendez-vous
pour une chambre à mon image
mes pharmaciens soignent aussi leurs prix
vous pouvez voir grand
avis de grand frais sur l’été
un bonheur n’arrive jamais seul
ouvrez grand vos oreilles
l’innovation est dans la boîte
pour toutes vos vies
avec ou sans rendez-vous
osez le demander
puis partez sans payer
du rêve à l’audace
croyez au coup de foudre
et triomphez en beauté
vos plus beaux souvenirs vous attendent ici
vous avez tout compris.





mardi

Monolinguiste



« Il y a quelque chose de drôle, à vrai dire, dans le fait de parler et d'écrire ; une juste conversation est un pur jeu de mots. L'erreur risible et toujours étonnante, c'est que les gens s'imaginent et croient parler en fonction des choses. Mais le propre du langage, à savoir qu'il est tout uniment occupé que de soi-même, tous l'ignorent. C'est pourquoi le langage est un si merveilleux et fécond mystère : que quelqu'un parle tout simplement pour parler, c'est justement alors qu'il exprime les plus originales et les plus magnifiques vérités. Mais qu'il veuille parler de quelque chose de précis, voilà alors le langage et son jeu qui lui font dire les pires absurdités, et les plus ridicules. C'est bien aussi ce qui nourrit la haine que tant de gens sérieux ont du langage. Ils remarquent sa pétulante espièglerie ; mais ce qu'ils ne remarquent pas, c'est que le bavardage négligé est justement le côté infiniment sérieux de la langue. Si seulement on pouvait faire comprendre aux gens qu'il en va, du langage, comme des formules mathématiques : elles constituent un monde en soi, pour elles seules ; elles jouent entre elles exclusivement, n'expriment rien si ce n'est leur propre nature merveilleuse, ce qui justement fait qu'elles sont si expressives, que justement en elles se reflète le jeu étrange des rapports entre les choses. Membres de la nature, c'est par leur liberté qu'elles sont, et c'est seulement par leurs libres mouvements que s'exprime l'âme du monde, en en faisant tout ensemble une mesure délicate et le plan architecturale des choses. De même en va-t-il également du langage : seul celui qui a le sentiment profond de la langue, qui la sent dans son application, son délié, son rythme, son esprit musical; - seul celui qui l'entend dans sa nature intérieure et saisit en soi son mouvement intime et subtil pour, d'après lui, commander à sa plume ou à sa langue et les laisser aller : oui, celui-là seul est prophète. Tandis que celui qui en possède bien la science savante, mais manque par contre et de l'oreille et du sentiment requis pour écrire des vérités comme celles-ci, la langue se moquera de lui et il sera la risée des hommes tout comme Cassandre pour les Troyens.

Mais si je pense avoir, par ceci, précisé de la façon la plus claire l'essence même et la fonction de la poésie, je sais aussi que pas un homme ne le saurait comprendre et que, l'ayant voulu dire, j'ai dit quelque chose de tout à fait stupide, d'où toute poésie est exclue. Pourtant s'il a fallu que je parle ? si, pressé de parler par la parole même, j'avais en moi ce signe de l'intervention et de l'action du langage ? et si ma volonté n'avait aucunement voulu ce qu'il a fallu que je dise? Alors il se pourrait bien que ce fût là, à mon insu, de la poésie, et qu'un mystère de la langue eût été rendu intelligible... Et aussi, donc, que je fusse un écrivain de vocation, puisqu'il n'est d'écrivain qu'habité par la langue, puisque l'écrivain né n'est seulement qu'un inspiré du verbe! »

Novalis, Monologue, 1798, traduction Armel Guerne

lundi

Floraison

En quatre albums, le duo de charme Alex Scally et Victoria Legrand s’est imposé dans le registre dream-pop, entre langueur réverbérée et mélancolie montante. Qui n’a pas rêvé d’une maison sur la plage ?

Dream-pop, hypnagogic-pop, chillwave : les courants musicaux les plus marquants de ces dernières années ont en commun de vouloir nous faire fermer les yeux. L’époque et ses chocs sont ils si violents que l’on doive se consoler dans le réconfort du sommeil et du rêve ? Avec son quatrième album,  Bloom (« floraison », en français), le beau duo formé par Alex Scally et Victoria Legrand (nièce de notre Michel Legrand national) semble pourtant s’épanouir davantage, ouvrir les yeux, laisser pupille et iris recevoir la lumière. En six ans et quatre album, le couple de Baltimore est ainsi passé de la mélancolie lo-fi réverbérée dans le grain du micro à la haute-fidélité du studio, des bords de plage en amoureux aux première parties épiques de Grizzli Bear. Moins loge noire (l’ambiance Twin Peaks des débuts) qu’aube nouvelle, le duo affine et affirme auprès d’un public grandissant son style unique : litanies lancinantes, guitares doucement shoegaze, orgues d’église, boites à rythmes antiques, voix vaporeuse (parfois presque mâle, à la Nico, toujours émotionnelle, à la Hope Sandoval, rappelant maintenant parfois Liz Fraser, des Cocteau Twins).




Avec ses mélodies lentes et pleines, réduisant coûte que coûte la reverb’, Bloom confirme l’ambition de Teenage Dream (produit par Chris Coady – Grizzli Bear, Tv On the Radio), au point limite de la redite, et de fait, ne séduira pas plus de nouveaux fans qu’il ne convaincra les éternels agacés. Pourtant, ces hymnes doux arrivent pertinemment avec le printemps, leurs progressions romantiques évoquent bien l’épanouissement d’une fleur (bleue ?), les guitares filent doucement vers l’étoile (violette ?),  l’ouverture des cymbales rayonne comme un soleil (de métal). Comme le chante Victoria Legrand (sur Irene). « It’s a strange paradise ». Allons à sa rencontre.

Article paru dans Trois Couleurs #101