mercredi

The Visitor



Venu de la techno berlinoise (avec Closer Musik), le chilien Matias Aguayo a enregistré ce troisième album solo, hyper-dansant et psychédélique, entre Argentine, Mexique, Colombie, Allemagne et … Vitry-sur-Seine. Ronronnements sensuels, onomatopées percussives et rythmiques latino-américaines se mêlent à des éléments techno, house et new-wave. Comme le titre la plage cinq, c’est à une Fiesta diferente, inédite batucada acid, rituel chamane pour le dancefloor, que nous convie le « visiteur » Aguayo.

Matias Aguayo – The Visitor (Coméme/Modulor)



Article paru dans 3 Couleurs #112 

 

jeudi

Moonwalk



"Arthur Russel made sure he went to the studio when there was a full moon - mix downs happening only at lunar eclipses." 
(Chris Menist, 2003 in "The world of Arthur Russell"'s booklet, Soul Jazz Records)



lundi

Prose Combat


 
Groupe armé de guitares, les  quatre londoniennes Savages livrent un premier brûlot, Silent Yourself, entretradition post-punk et parfaite modernité, qui impose le silence à toute concurrence. They will

Bloc d’intensité et d’énergie électrique maîtrisée, le quatuor féminin Savages fait corps comme on le dit d’un corps d’armée, retranché derrière ses chansons-mantras comme derrière une armure, distillant depuis un an des concerts incandescents comme en une véritable guerre de tranchées. La chanteuse et parolière Jehnny Beth explique avoir été inspirée par « les poésies de Robert Graves, Sigfried Sassoon, des poètes qui écrivaient pendant la première guerre mondiale, il y avait une espèce d’énergie de vie dans ces poèmes. Et je m’interrogeais sur le sens des mots dans ce genre de contexte, un contexte de guerre. Tout change de sens dans ce genre de contexte. Les mots « kiss » et « mouth » ont des sens différents, plus nostalgiques, plus forts dans ce contexte. Et je voulais voir comment cette urgence pouvait se traduire en quelques lignes dans ces poèmes. Je lisais aussi Henry Michaux, avec cette idée que les mots pouvaient guérir, qu’ils pouvaient être un remède, grâce à la répétition, dans le but de se convaincre soi-même grâce aux mots, comme des mantras. Je faisais aussi beaucoup de méditation transcendantale à ce moment là et ça a joué sur l’idée de concentration. Et on appliqué ça à la musique : il fallait tout réduire à l’essentiel. Gemma avait beaucoup travaillé sa guitare pour ces nouveaux morceaux, mais du coup, elle prenait trop de place. Chacun devait trouver sa bonne place, ce qui voulait dire que chacun devait réduire son espace pour en laisser un peu aux autres.  ». 

Considérant la production comme un processus de réduction, Gemma Thompson (guitares sciantes), Fay Milton (fûts martelés), Ayse Hassan (basse Peter Hook) et Jehnny Beth (échappée du combo franco-londonien John & Jehn) ont apurées leurs influences (Siouxsie & The Banshees, Joy Division, Birthday Party, Bauhaus) pour offrir une pop noire (nom de leur label, qui a repéré Lescop avant qu’il ne signe chez Universal), moins post-moderne qu’ancrée dans la violence sourde de l’époque. Les déjà-hits  She will et Husbands en litanies-étendards d’une sexualité libérée, affirment avec une inédite intensité l’espérance d’une nouvelle concentration, la réunion de ce qui a été dispersé : « On a toujours un rituel avant de monter sur scène : une préparation physique, un échauffement, une phrase que l’on répète à chaque fois, de manière à ce que le monde reste en dehors, qu’on se vide la tête avant d’aller sur scène, et même avant d’aller en studio. Sinon on se fait envahir, parce que le monde est trop bruyant. Le monde est trop bruyant. C’est le sens du titre de l’album : « Silence yourself », parce qu’il y a trop de distractions, et qu’on n’est jamais disponible pour soi-même. Ces distractions ne nous apprennent rien sur nous-mêmes. L’idée derrière Savages c’est de se recentrer, de se concentrer, de concentrer nos forces. Si on est concentrées, on est plus difficile à choper… ». 



La voyant ainsi très à l’aise pour théoriser sa musique, je fais remarquer à Beth qu’il parait qu'il ne faut pas faire l'exégèse de son propre travail, que ça porte malheur. « Peut-être, mais en même temps j’ai toujours été passionnée par les gens qui pouvaient faire ça. L’écrivain de théâtre Edward Bond est le plus grand théoricien de sa propre œuvre. Quand j’étais adolescente, ça me fascinait, je lisais plus ce qu’il avait écrit de théorique sur son travail que ses propres œuvres et j’étais fascinée par comment il se mordait la queue, se contredisait lui-même, se perdait dans sa propre pensée, j’aimais beaucoup ça…" . Je lui demande enfin de m’expliquer ce morceau qu’elles jouent live mais qui n’apparait pas sur l’album, Don't let the fuckers get you down : « C’est un morceau qu’on ne fait que sur scène pour l’instant, mais on le sortira sans doute d’une manière ou d’une autre. C’est un morceau important  de nos concerts, mais je ne peux pas le jouer partout. Il faut que ce soit le bon moment. Il y a eu un côté « en guerre » dans Savages, avec cette idée romantique de nouer le monde. Il n’y aura jamais mieux que les premiers moments, quand on était dans la répétition, et qu’on trouvait notre musique. On était juste heureuses, et on aurait presque pu s’arrêter là.  Du coup, on était toutes les quatre assez protectrices avec ça. Il y a eu une période où on s’est rendues compte à quel point on pouvait être manipulées, on a du se débarrasser de pas mal de gens, en trouver d’autres. »
Guerrières de la scène, ces amazones confirment la hype anglaise sur un premier album qui prend à la gorge, ramassé et tendu comme un arc. Electrique bien sûr.

Version longue d'un article paru dans 3 Couleurs # 111



mercredi

Il est des nôtres





























"Moi je construis des marionnettes
Avec de la ficelle et du papier
Elles sont jolies les mignonnettes
Elles vous diront, elles vous diront
Que je suis leur ami, que je suis leur ami
Que je suis leur ami, leur ami..."
Christophe, Les Marionnettes

Le réalisateur (Thomas) est inattentif. Parce qu'il est inattentif, les acteurs ne sont plus dirigés et se mettent à faire n'importe quoi. A la fin, ils le mangent.

Il réalise n'importe comment.

Le Tsimtsoum. C'est un peu comme Dieu qui s'est retiré de sa création. C'est du moins ce qu'il croit. C'est ce qu'il aimerait croire. Mais parfois, ses créatures se rappellent à son bon souvenir. Et Dieu s'aperçoit que pendant tout ce temps, alors qu'il croyait se reposer, en fait, il continuait de diriger le film (les acteurs). Le film s'est fait malgré lui.

"Les trois grandes racines spirituelles du pêché :
- L'apparence de la liberté dans la désobéissance aux commandements de Dieu.
- L'apparence de l'autonomie dans la secessio hors de la communauté (des justes).
- L'apparence de l'infinité dans l'abîme vide du mal."
(Walter Benjamin, Fragments, PUF 2001, p.62)

Il aimerait se reposer à nouveau. Malheureusement, le repos ici-bas lui est impossible. "Il est des nôtres."

Le morcellement du corps, ou dépècement, ou dévoration, est une mort rituelle qui est suivie d'une résurrection. Elle marque le passage du profane au sacré, l'initiation par les esprits, et s'inscrit dans le cadre de la "maladie initiatique" du futur chamane. "Ces souffrances physiques correspondent à la situation de celui qui est "mangé" par le démon-fauve, est dépecé dans la gueule du monstre initiatique, est digéré dans son ventre." (Mircea Eliade, Le chamanisme)

Chez les chamanes, les rituels d'initiation sont précédés par un "évanouissement" du futur chamane. C'est à cela que la tribu le reconnaît. L'acédie peut être aussi une sorte d'évanouissement, je crois.

Après la projection, tout le monde mangeait des "croque-monsieur" au bar du coin.
 



"Il est des nôtres" (fiction, 47 minutes)
Réalisation : Jean-Christophe Meurisse
Produit par Emmanuel Chaumet, Ecce Films
Avec Thomas de Pourquery, Solal Bouloudnine, Laetitia Dosch, Céline Fuhrer, Nicolas Granger,Thibault Lacroix,
Aristide Meurisse, Anne-Elodie Sorlin, Maxence Tual, Thomas Scimeca, Jean-Luc Vincent et Carmen Lagardère
Image : Javier Ruiz-Gomez
Son : François Meynot
Montage : Carole Le Page
Mixage son : Simon Apostolou
assistante de production : Mathilde Delaunay
1er assistant réalisateur : Paul Sergent
étalonnage : Yannig Willmann

mardi

Tous les disques sont parfaits


















J'ai retrouvé cet "Ego-trip" dans un vieux numéro de Chronic'art. Je n'en pense pas moins aujourd'hui.

On me demande : “Donc, le nouveau Beck, ça vaut pas mieux que Sea Change, et c’est moins bien que Mutations ?”. Non coco, c’est pas si simple, la vie, chaque disque est unique, incomparable, et aucun disque n’est moins bien ou meilleur qu’un autre, coco. D’où l’absurdité de mettre des notes et d’émettre des classements, tu vois ? Car le rock-critique spinoziste entend,“par réalité et par perfection, la même chose”. Et donc, chaque disque est parfait. Croire qu’un disque vaut mieux qu’un autre est une idée fausse, répandue parmi ceux qui pensent détenir le bon goût. La nature est si bien faite que tous les disques sont parfaits, de l’auto-prod’ en CDR au dernier Madonna, coco. Le rock-critique doit juste rendre compte de leur réalité, et donc, de leur perfection. Ce qui lui évite d’avoir à dire aux lecteurs ce qu’ils doivent penser. Ils sont grands, ils comprendront.