jeudi

Party Time







" Sur internet, l'imbrication du passé et du présent transforme le temps lui-même en un terrain bourbeux et spongiforme. Youtube est typique du Web 2.0 en cela qu'il promet l'immortalité à chaque vidéo qu'on y met en ligne : son contenu peut théoriquement demeurer pour l'éternité. On peut y papillonner de l'archaïque à l'utra-actuel en un seul clic.  Sur le plan culturel, en résulte une alliance paradoxale de vitesse et de surplace qui se manifeste dans tous les aspects du Web 2.0 : le taux de rotation incroyablement rapide de l'actualité (...) cohabite avec la persistance obstinée des résidus nostalgiques. Au fond du gouffre qui se creuse entre ces deux pôles échouent à la fois le passé récent et ce qu'on appellera le "présent long" : tendances durables, groupes dont la carrière se prolonge au-delà d'un album, sous cultures et mouvements, par opposition aux engouement éphémères. Le passé récent est englouti dans un néant amnésique, tandis que le présent long se voit réduit à l'épaisseur d'un papier à cigarette, écrasé par la seule cadence effrénée des mises à jour de l'actualité et de l'instantané.
(...) En résulte un empiètement progressif des productions du passé sur une fenêtre attentionnelle qui était jusqu'à présent la chasse gardée des nouveautés. Dans un sens, le passé a toujours été en compétition avec le présent, culturellement parlant. Mais la donne a graduellement changé, au grand bénéfice du passé (...)"

Simon Reynolds, Rétromania

mardi

De la lave aux étoiles



Édimbourg est une ville schizophrène : d’un côté, old town, construction verticale sur une colline volcanique, enchevêtrement gothique de petites rues charbonneuses, au-dessus duquel trône le château de la reine ; de l’autre, new town, plat quadrillage géorgien et horizontal, où chaque carrefour érige une statue anoblie. Entre les deux, l’artère centrale Princes Street sépare le passé du présent, le monument Walter Scott entouré de flèches noires baroques observant depuis la vieille ville les Starbucks et H&M qui longent la nouvelle. On comprend mieux la musique de Django Django quand on sait que ses quatre musiciens viennent du College of Art d’Édimbourg : rarement rapport entre ancien et moderne ne s’était présenté sur une échelle aussi étendue, de la transe primitive aux envols spatiaux futuristes. « Oui, nous sommes des hommes préhistoriques cosmiques », disent-ils en rigolant. (...)

Extrait de Trois Couleurs #98

vendredi

Elémentaire































ELIANE RADIGUE "ELEMENTAL II" , new CD KASPER T. TOEPLITZ, solo electric bass, recorded summer 2011 "Elemental II" is the first ever piece Eliane Radigue wrote for an instrument, without any pre-recorded sounds, without the use of her ARP synthesiser. I took a very long time to convince her to do so, the piece was some two years or more in the making - discussing about the sound a mountain makes after the rain. The first recording was released just after the premiere of the piece, in 2004. In 2011, seven years later, after having played the piece more 30 times in concert, after having spend a long time with it, after having "domesticated"it, it seemed interesting to rerecord it - something very common in classical music, but almost inexistant in those "other", electronic, musics. However those musics also live, change, evolve ; the same score another point of view (distribution Metamkine)


























Félicie d'Estienne d'Orves : http://felicie.metaproject.net/

jeudi

Le mythe de la caverne



Le DJ, figure moderne de la solitude. Derrière ses platines, avec sa musique morte, il refuse les verres de vin et évite les regards de tous ces mannequins franco-italiens qui ressemblent tant à sa belle-mère. Il ne peut jamais participer à la vie qui se joue devant lui comme un théâtre avec ses figurants, tous ces gens qui lui font croire qu'ils s'amusent, pour que lui continue à croire les amuser. Malheureusement, il est à leur service, et ces corps dansants sont moins ses marionnettes que lui n'est la leur à tous. En réalité, aucun son ne sort des enceintes, et chacun est ailleurs, faisant l'amour avec le monde, passant parfois lui jeter un coup d'oeil bienveillant comme les visiteurs du jardin des plantes jettent une cacahouète au petit singe orphelin. Il se passe alors la main dans les cheveux, souriant, mais doutant de tout et de tous.