lundi

Moodobio




J'ai écrit la bio (à destination des médias) de l'album de Moodoïd pour le label Entreprise. Je me permets de la mettre ici en ligne (version avant corrections par le label). Vous devriez en trouver des petits bouts éparpillés un peu partout sur le world wide web du ctrl-c/ctrl-v. Enjoy.


Moodoïd – Le Monde Möö

Dans Le Colloque des Oiseaux, du poète soufi Farid al-Din Attar, trente oiseaux courageux partent à la recherche du Simurgh, roi occulte des volatiles, et traversent moult épreuves périlleuses, et sept vallées, avant de parvenir à destination et de découvrir que le Simurgh, finalement, c’était eux.

Le Monde Möö est un tel genre de conte merveilleux, récit initiatique, mystique et amoureux, livre pour enfants et oiseaux,  plein de pop-ups, de surprises et de changements de rythmes, de tons, d’états. C’est un monde mol et savoureux, plastique et goûteux, une lune en fromage, où le feu est bleu et où les garçons veulent de la magie, une planète toute neuve, que le jeune Pablo Padovani (24 ans), alias Moodoïd, vous invite à explorer, tels de nouveaux Candide, ou des Philémon sur les lettres de l’océan atlantique, dans un périple musical merveilleux.

Le EP Je suis la montagne, sorti au mois d’août 2013, plébiscité par la presse nationale et internationale (Guardian, NME, faisant même la couverture du Monde pendant les Transmusicales de Rennes), dévoilait d’un trait les multiples facettes de Moodoïd, entre néo-psychédélisme, glam-rock et expérimentations pop. Mixé par Kevin Parker, le leader de Tame Impala, évoquant les hallucinations de Gong, les envolées de Robert Wyatt ou les rêveries de Connan Mockasin, Je suis la montagne révélait par la même occasion les talents de réalisateur de Pablo, officiant devant et derrière la caméra de son clip surréaliste et gourmand, ou celui, bollywoodien en diable, de De la folie pure



Après ce EP en forme de fusée, Le Monde Möö a la forme d’une planète, droit sortie d’une fantaisie de Mélies ou d’une fantasmagorie exotique en cinémascope, pleine de détails colorés, de personnages burlesques et de paysages lysergiques. Votre guide sur cette lune molle et douce est issu d’une génération bercée par la coexistence des époques et l’absence de frontières, un enfant de la balle (son père est le saxophoniste de jazz Jean-Marc Padovani), ami d’étoiles psychédéliques (il a joué avec Hyperclean ou Melody’s Echo Chamber). Le voilà géniteur de planètes, hypnotiseur de nymphes, légèrement gourou. Il charme de sa voix claire et androgyne comme une source d’eau pure, aussi ambigu et extra-terrestre que Ziggy Stardust, aussi frenchy et chic qu’Alain Kan.

Tel un petit Prince pailleté et enturbanné, Pablo s’est entouré sur scène de trois jeunes musiciennes virtuoses et a invité dans les « Studios du Futur de l'Audiovisuel » du label Entreprise une constellation de talents amicaux : Riff Cohen, Maud Nadal (Myra Lee), Melody Prochet (Melody’s Echo Chamber), Didier Malherbe (Gong), Gilles Andrieux (joueur émérite de Saz et de Ud), Vincent Segal (violoncelliste chez Bumcello)… 

Enregistré et mixé par le franco-new-yorkais Nicolas Vernhes (qui a travaillé avec Dominique A, Dirty Projectors, Deerhunter, Animal Collective…), secondé sur le seul titre en anglais (Yes & You) par l’ami Kevin Parker,  Le Monde Möö est un rêve de pop progressive, aussi cannibale de genres musicaux (pop, jazz, funk, electro, world) que put l’être le tropicalisme des Os Mutantes, hybridant époques  et géographies, de l’Occident pop à l’Orient traditionnel (Asie, Iran, Turquie…), mélangeant Saz, Ud, Duduk ou Cuica aux synthétiseurs analogiques, violoncelles ou guitares électriques, passant le tout dans des cabines d’échos tournoyants et vibratiles. 



Asymétriques, rompant avec le systématisme occidental des mesures à quatre temps (on passe ici aisément du 6/4 au 5/4 pour revenir au 4/4), tout en restant mélodieuses, harmonieuses, mystérieuses, ces chansons d’amour enfantines, danses avec le feu, promenades sous la lune,  sont autant d’invitations dionysiaques aux voyages oniriques, clés des songes, portes vers l’Orient, un Orient sensuel sans être forcément exotique, notre Orient intérieur, qu’il nous reste à retrouver. Nous sommes tous le Simurgh.




vendredi

Brian Eno & Karl Hyde



Brian Eno : A cause de la manière dont elle est diffusée, avec iTunes, Spotify, etc, on ne peut pas vraiment faire de la musique depuis nulle part, mais forcément à partir de l’accumulation d’autres musiques. Il y en a tant : au coin de la rue, on peut entendre des bouts de big band, de hip-hop, de doo wop... Et on devient conscient que la musique n’est pas seulement un assemblage d’accords, de rythmes, de sons, mais que c’est aussi une grande image culturelle, une image d’un temps et d’un lieu donné, et de la manière dont les gens vivaient ensemble, les structures de la société, etc. Quand on cite une musique, on montre aussi un instantané culturel. Utiliser le noir et blanc dans un film aujourd’hui, ce n’est pas juste enlever les couleurs, c’est pratiquement changer de culture.


Extrait de l'interview de Brian Eno & Karl Hyde parue dans Chro #8 été 2014, et en ligne ici :
http://www.chronicart.com/musique/brian-eno-karl-hyde-forever-now/
Crédit photo : Tessa Angus