lundi

Trois fois Adieu


Tu as trouvé ça très honnête (plutôt que sincère).

On aurait aussi pu parler du premier Adieu, lancé avec un CD par De Keersmaeker comme un clin d’œil au Show must go on de Jérôme Bel ; du langage des corps des musiciens pendant l’écoute du CD, qui était la chorégraphie la plus ténue mais aussi la plus attentivement observée, justement parce qu’elle n’était presque rien (un accompagnement de la tête de la cantatrice, un violoniste qui se gratte le menton, comme si bouger la tête ou se gratter le menton étaient devenus, pouvait-on imaginer, de nouvelles façons, peut-être les dernières avant le silence, d'interpréter la musique) ; on aurait pu parler aussi des gestes des musiciens (de tous les musiciens) quand ils jouent, qui sont de vrais gestes de danseurs, et des musiciens, pour une fois sur la scène, au milieu, comme de vrais danseurs ; de la silhouette de De Keersmaeker, un peu chaplinesque, un peu Pierrot Lunaire, qui se déplaçait parmi les instrumentistes comme au milieu d’un champ de fleurs, touchant les bois, caressant les feuilles, humant les mélodies, plus que jamais romantique lorsqu’elle gravit à la fin cet amoncellement de chaises, de pupitres et d’instruments, presque comme un personnage de Richter gravissant une montagne (une petite montagne), ou rétrécissant, s'amenuisant, dans l'ombre d'une forêt noire, d'un sombre horizon. Il y avait beaucoup à imaginer avec très peu de choses à voir, et c’est sans doute aussi une bonne façon de nous préparer à des lendemains où le spectacle sera fait d’un rien.

Enfin, on aurait pu parler de ces légers fléchissements qui font lever le cœur, petites chutes mortelles, subits abandons à l’obscurité, et ne pas y voir une acceptation de la mort, mais plutôt la maladie, la faiblesse, contre laquelle on ne lutte pas, parce qu’on n’en a juste plus la force. On s’est alors inquiété pour elle. Et pour nous aussi, pendant son dernier regard sur nous lancé, avant d’éteindre la lumière, qui était un regard de jugement, et de condamnation.

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