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Marc Morvan - The Offshore Pirate (The Drone)


The Offshore Pirate ("Le pirate de la côte") est une nouvelle de 1920 de Francis Scott Fitzgerald, une histoire romantique de jeune femme séduite par un pirate, ainsi qu’une histoire de dupe (SPOILER : le pirate s’avère être l’homme déguisé que son oncle voulait la voir épouser et qu’elle refusait de rencontrer). C’est désormais aussi un très bel album de chansons (en anglais), "sad ballads" délicates, souvent élégiaques, également romantiques, du chanteur et musicien Marc Morvan, qui semble avoir emprunté à l’histoire originale cette idée qu’un bien peut se cacher dans un mal ( "Là où croit le danger, croît aussi ce qui sauve ", pour citer Hölderlin), autant qu’elle évoque sans doute, de manière un peu auto-dérisoire, son statut d’outsider, lointain et insulaire, de la chanson d’ici, et pourtant apte à captiver et capturer les cœurs les plus enfouis.

Il s’en explique : "The Offshore Pirate est le témoin onirique d’une époque où les possibles semblent désormais suspendus à l’action d’hommes de bonne volonté. Face au chaos du monde, certains s’enferment et n’en veulent plus rien apprendre, d’autres au contraire se regroupent et s’engagent. Puis il y a les rêveurs, catégorie à laquelle – il me faut bien l’admettre – je dois appartenir. A ma mesure, j’ai voulu croire encore qu’une mélodie au dessin harmonique solide, offrirait un rempart contre l’absurdité, ainsi qu’un peu d’espoir en ces heures inquiétantes."

Après deux beaux albums de de pop classiciste et élégante, entre Divine Comedy et Magnetic Fields, (l’éponyme 3 Guys Never In et Udolpho en compagnie du violoncelliste Ben Jarry), et un EP (Ophelia, autour du drame shakespearien Hamlet), la voix chaude et douce de Marc Morvan (qui a un peu de la gravité de Leonard Cohen et de la concision de Bill Callahan) revient donc apaiser, à sa manière, les plaies contemporaines en mélodies gracieuses, précautionneuses (étirées, donnant du temps au temps, et à l’écoute), serties d’arrangements de cordes baroques, précieux (au bon sens du terme : façon Left Banke, Nick Drake), en dix titres harmonieux, fortes de la cohérence de l’ensemble.

Derrière cette paix et cette harmonie de surface, les textes des chansons évoquent bien des tourments aussi subjectifs (sentimentaux, existentiels) qu’universels, comme une mer calme peut cacher en ses fonds sous-marins ses monstres mythologiques et tératologiques, poulpes géants, Chtulhu vengeurs, Kraken dévastateurs : "Le Kraken est une créature de la faille et du seuil : il ressurgit lorsque la civilisation prend peur de son reflet dans le miroir, et garde infailliblement le tombeau muet de cette dernière." (Pierre Pigot, Le Chant du Kraken, PUF 2015). Mais l’écoute de cet album procure, comme peu d’autres récemment, de vraies et belles sensations d’apaisement, de plénitude, d’espoir pourquoi pas.

On a posé quelques questions (par mail) à Marc Morvan pour qu’il nous explique cette délicate et efficace alchimie.

Suite de l'article et interview sur The Drone

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