jeudi

"Her", de Spike Jonze

 
Entre "Un bonheur insoutenable" et "Paradis pour tous", il me semble que c'est justement le décor, cette douceur cotonneuse de paradis bobo, qui fait toute la force du film. Cette omniprésence de la technologie la plus lisse, des tissus les plus doux, des roses bonbons et des verts pomme, de la transparence absolue (les façades des immeubles, la connexion permanente), bref ce monde d'anticipation assumé et apaisé, où tout le "négatif" (celui qui fait peur à l'Occident) semble avoir été évacué, justifie à mon avis l'histoire (et la régression, la solitude, la douceur) plutôt qu'il ne la "meuble". J'ai trouvé ça extrêmement effrayant, car on sent la violence qui couve partout. La femme qui veut être frappée avec la queue d'un chat pendant la scène de sex-phone, ou certaines phrases apparemment anodines dans les conversations, du genre : "J'ai envie de tuer tout le monde" (quand son inconscient écrit une lettre à sa place), "Je suis un dinosaure et je vais te dévorer (au restaurant avec la fille, de mémoire), "Eclate-moi la tête sur le coin de la table, si je te mens" (de mémoire), me semblent être autant de symptômes dans le langage de cette violence refoulée. Le hibou qui vient depuis un écran géant enserrer Joaquin Phoenix dans la rue est aussi un signe de la potentielle dangerosité du décor (que le principal intéressé ne voit pas, et pour cause, le danger est toujours derrière lui). Je pense que Spike Jonze a conscience de la possibilité de cette violence dans son scénario, et qu'il en joue comme d'un ressort (un suspens). En tout cas, je l'ai perçu comme ça. Il y aurait plusieurs autres films à faire dans ce décor, qui me semble n'avoir jamais été posé dans un film de manière aussi subtile...

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